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Le Monde d'Egérie

extraits de mes romans, mes news

Chapitre I - La forêt

Lucie et Marie, paressaient à la fenêtre de leur chambre, scrutant l'horizon dans cette grande maison de campagne qui les avait vue grandir. 20 ans déjà que ce duo de jumelles y avaient vu le jour.

Les vacances débutaient dans une lourdeur pesante, étouffante, prélude à un été chaud et un ennui mortel déjà installé. Cette journée là, plus que les autres, ne semblait promettre que moiteur et monotonie.

Les deux sœurs guettaient la venue d'un invité, impatientes, et déjà une voiture blanche annonça son arrivée. A l'approche du véhicule, elles dévalèrent les escaliers pour l'accueillir.

Un jeune homme, grand et blond, se dressa hors du véhicule suivit de ses parents. Tout droit venu de la ville, et non mécontent d'arriver enfin à destination, José salua ses cousines d'une bise retenue.

La distance qui les tenait éloignés au quotidien ne leurs permettait de se voir que très rarement et pourtant un lien très fort les unissait.

Profitant de cette journée ensoleillée, celui qu'elles considéraient comme leur propre frère avait parcouru les nombreux kilomètres qui les séparaient pour leur rendre visite.

A mesure que le soleil gagnait son zénith, la maisonnée souffrait un peu plus de la canicule. N'y tenant plus, Marie suggéra une ballade jusqu'au petit bois voisin pour y trouver un peu de fraîcheur. A peine les nouveaux venus avaient-ils eu le temps de se poser.

L'idée ravit Lucie et José mais leurs parents n'exprimèrent aucune envie de quitter la maison et les encouragèrent à s'y rendre sans eux. José, Marie et Lucie s'exécutèrent sans se faire prier.

La gourde sanglée au porte-bidon et sac sur le dos, ils enfourchèrent leur vélo pour foncer en direction du bois.

L'astre étincelant brûlait leur visage à mesure qu'ils pédalaient vers le bois. L'écrasante chaleur appesantissait chaque coup de pédale, les mains moites glissaient sur le guidon. Parfois, ils stoppaient pour boire une gorgée d'eau plus très fraîche. Et parfois, l'un d'eux regrettait presque d'avoir quitté le confort et l'ombre de la maison de leurs parents et songeait à faire demi tour. Quelques vingt minutes plus tard, ils pénétrèrent enfin dans le petit bois sombre offrant une surprenante sensation de fraîcheur. La route jusque là s'était révélée longue et pénible sous le soleil brûlant et l'étouffante chaleur. Cet air frais soudain et enveloppant s'offrit à eux comme la récompense de leurs efforts.

José, Lucie et Marie prirent le temps de descendre de vélo pour se reposer un instant sans avoir à souffrir de la brûlure du soleil. Ils marchèrent un temps à côté de leur monture avant de la chevaucher de nouveau mais il s'en fallu de peu de temps avant qu'ils ne voient s'achever la traversée de la parcelle boisée. Explorée, d'un bout à l'autre, ils durent se résigner à la quitter.

Lucie avait goût pour les excursions dans les bois et s'y aventurait fréquemment pour y rêvasser, quitter un instant le monde bruyant de la civilisation. Elle y trouvait là son havre de paix. Alors les environs, elle pouvait se venter de bien les connaître. Elle et ses camarades n'avaient nulle envie de rentrer déjà. Elle leur proposa alors de les emmener dans un autre bois, un bois qui, cette fois, offrirait une étendue plus vaste à parcourir et promettait une vraie randonnée.

Marie, José et Lucie se connaissaient par cœur et le sens d'orientation plus que discutable de cette dernière n'avait jamais échappé aux deux autres. Ils la suivirent mais non sans quelques réticences.

« T'es sûr de savoir où tu nous emmènes ? » s'assura José

« Mais oui, c’est pas la première fois que je me ballade par ici, je connais bien le coin. »

Lucie se voulu rassurante, à peine froissée par la mise en doute de ses qualités de guide.

Les liens qui les unissaient tous les trois étaient étranges, incompréhensibles. Nul n'aurait su expliquer pourquoi ils s'entendaient si bien. En tout point différents, tant par leur physique que par leur personnalité, les filles étaient aussi brunes que leur cousin était blond, leur silhouette svelte drapée d'une longue chevelure, leur frimousse illuminée d'un large sourire et leur regard rieur couleur noisette contrastaient avec la carrure large, la blondeur et l'air pincé soutenu d'un regard bleu du garçon. Et, bien que Lucie et Marie soient aussi calmes et posées que José fut nerveux et colérique, ils s'adoraient.

Pourtant, si tout semblait les opposer, une passion commune pour les mondes chimériques les unissait et c'est lors de leurs rares retrouvailles que ce sujet animait toutes leurs conversations, à l'écart des adultes trop terre à terre.

Si Lucie ne s'était pas sentit piquée par l'appréhension affichée de José c'est qu'elle doutait elle-même. Elle se souvenait s'être souvent perdue et si elle était parvenue à gagner d'autres bois se fût souvent le résultat du hasard à la suite d'égarements fréquents.

Sur une route bitumée ombragée, sans plus souffrir de la morsure de l'astre, ils pédalèrent encore quelques minutes avant de gagner le bois recherché. Et bien que Lucie le retrouva sans mal, il n'en fut pas de même pour le chemin de randonnée qu'il fallait emprunter.

Finalement confiants, Marie et José suivaient leur guide sans protester. Comme à son habitude, Lucie suivait les sentiers au hasard, curieuse de voir où cela pourrait bien les mener.

Quelques trente minutes plus tard, José comprit que sa cousine ignorait tout à fait où elle les menait. Engagés dans une forêt plus étendue qu'ils ne le soupçonnaient en y entrant, ils y avaient pénétré profondément, sans doute, puisque l'orée avait disparu de l'horizon.

Perdus au beau milieu, la direction à prendre pour en sortir leurs étaient totalement inconnue. Lucie se garda bien d'en faire la remarque, espérant voir la solution se présenter d'elle-même. Marie et José, non dupes, gardaient le silence, attendant de découvrir où Lucie les mènerait.

Les sentiers empruntés étaient semblables les uns aux autres. Un instant, ils leurs semblaient reconnaître un arbre, l'instant d'après un tronc au sol, là un talus, là une crevasse. L'impression de tourner en rond les envahit progressivement.

Il n'y avait, à perte de vue, que la Nature pour seule maîtresse des lieux. Ni trace d'issue, ni âme qui vive pour leur indiquer le chemin à prendre.

Lucie se résigna à stopper là la ballade et descendit de vélo. Culpabilisant, les mots lui manquaient pour leurs annoncer la situation mais sa mine déconfite la trahit. José et Marie, pieds à terre, ne comptaient pas se priver de l'en blâmer. Cela faisait plus d'une heure qu'ils avaient quitté la maison et leur famille ne tarderait pas à s'inquiéter.

« Alors ! Je croyais que tu connaissais bien le coin !? » attaqua Marie.

« Ouais, maintenant à cause de toi on est perdu ! » renchérit aussitôt José.

« Ca va ! Vous croyez que je l’ai fait exprès peut-être ? Je n’y suis pour rien si tous les chemins se ressemblent ! Je me suis trompé, ça arrive à tout le monde ! »

Lucie ne leurs laissa pas le temps de rétorquer.

« Maintenant, au lieu de râler, vous pourriez m'aider à retrouver le bon chemin ! »

Chacun prit un instant de réflexion avant que Marie ne propose une solution la première, mais cette idée ne fit pas l'unanimité.

« Et si on se séparait ? Comme ça, on cherche la sortie chacun de notre côté et on se retrouve ici dans 30 minutes pour faire le point. Y’en aura bien un d’entre nous qui trouvera un moyen de sortir de cette forêt ! On aura trois fois plus de chance de trouver ! »

« Et trois fois plus de chance de s’éparpiller dans la forêt et de se retrouver perdu tout seul ! T’as vraiment des plans géniaux toi ! »

Le sarcasme de Lucie était volontairement non dissimulé. José sauta sur l'occasion pour tourner en dérision la suggestion de sa cousine.

« Trop forte la fille ! Allez ! on va tous se perdre chacun de son côté ! Super !!! »

« Tu crois qu’on va retrouver le chemin jusqu’ici si on s’éloigne alors qu’on n'arrive même pas à retrouver la sortie ? Et puis, tout seul, on n'a encore moins de chance de la trouver ! Non, je propose qu’on reste groupé, ça vaut mieux. Au moins, si l’un de nous arrive à sortir, on est sûr que les deux autres sortiront en même temps. » ajouta Lucie plus sérieusement.

Epuisés mais contraints d'avancer, ils enfourchèrent à nouveau leur vélo après avoir décidé du chemin à prendre. José n'avait, jusqu'alors, jamais émit d'avis, c'est donc lui qui fût sollicité pour faire ce choix puisque ceux de ses cousines s'étaient avérés douteux. Il opta pour la voie la plus dégagée, témoin de passages fréquents. A ce qu'il pensait, cela ne pouvait être que de bonne augure.

Etait-ce un leurre pour tromper les malheureux égarés qui s'aventuraient là ? Moins de deux cents mètres plus avant, la nature finissait par reprendre ses droits.

Nombreux furent les coups de pédales et les tours de roues avant que le sentier onduleux, devenu la seule trajectoire possible, ne finisse par disparaître de nouveau sous un tapis d'herbes folles et un mur de ronces parées d'épines effilées.

Face à ce spectacle désolant, Marie ne rata pas l'occasion de se venger des sarcasmes infligés plus tôt par son cousin.

« Merci, José, pour ta brillante idée ! »

« Oh ça va ! »

Aucun d'eux ne tenait vraiment à faire machine arrière. Ils tentèrent malgré tout de traverser la barrière végétale en dépit de ses aiguilles menaçantes. Ce ne fut pas sans de pénibles efforts, ni sans s'écorcher les membres dont la peau déjà rougie par la brûlure de soleil était d'autant plus sensible aux estafilades de ces aiguilles. Entraîner leur monture avec eux leur réclamait aussi une énergie considérable mais ils n'envisageaient pas de les laisser derrière eux. Ils se débattirent contre les branchages agressifs, frappant de nouveau chaque fois qu'ils tentaient de les repousser, s'agrippant férocement à leurs vêtements dont ils gardaient parfois un lambeau. José luttait farouchement, plus que ses cousines toujours très calmes, dans un duel acharné face aux ronces.

Très vite, ils s'aperçurent que le barrage hostile ne s'étendait pas plus que sur deux ou trois mètres. Au delà, le chemin redevenait net et praticable.

« Bizarre » songea Lucie.

Tout comme sa sœur, Lucie avait le goût de l'aventure. La situation la ravissait, en réalité, plus qu'elle ne l'inquiétait vraiment. Cette journée sans éclat, hormis celui du soleil, commençait à prendre une tournure inattendue et excitante qui n'était pas pour lui déplaire. Sans doute, espérait-elle, leurs réservait-elle encore d'autres surprises.

José, bien loin de ces rêveries, se préoccupait d'avantage de ses vêtements restés prisonniers des épines et de ses bras meurtris. Il ne pu retenir un juron qui amusa ses cousines.

« Bordel ! »

Tant bien que mal, ils s'extirpèrent énergiquement de leur piège et passèrent, victorieux, au travers.

Ses habits transformés en lamentables chiffes, José laissa échapper un soupir de contrariété.

Une fois libre, il scruta l'horizon, aux côtés de Lucie et Marie, dans l'espoir d'y voir une aide. Aussi loin que la forêt le leurs permettait, ils ne parvenaient qu'à percevoir des arbres, petits et grands, serrés les uns contre les autres, interdisant toute visibilité utile. Et, face à eux, le chemin maintenant dégagé dessinant un large coude.

José, Marie et Lucie marchèrent à côté de leur vélo jusqu'à ce qu'ils puissent apercevoir ce qui se cachait derrière la sinuosité. Au delà, la piste disparaissait de nouveau derrière d'autres broussailles.

Plus que ce nouveau contretemps, un fait étrange et inhabituel retint l'attention de Lucie et lui laissa une drôle d'impression. Depuis leur extraction du piège de ronces, plus un chant d'oiseaux, ni grésillement d'insectes, ni bruissement de feuilles ne se faisait entendre. La nature faisait silence laissant penser que quelque chose d'important se préparait.

Mais elle était seule à constater ce changement plus qu'étrange et fit face au scepticisme de son cousin et sa soeur.

« Tu te fais des films ! » railla José, plus contrarié par son état vestimentaire que par les élucubrations de sa cousine.

Bien qu'elle leur sourit, Lucie demeura soucieuse face à cette altération troublante.

Les broussailles traversées, ils se remirent en selle pour suivre l'unique voie qu'offrait la forêt. Quelques mètres plus haut, un autre barrage végétal entravait le passage. Mère Nature n'était décidément pas de leur côté.

Cette fois-ci, la faute était à de grands saules pleureurs qui se serraient volontairement, barrant la route aux randonneurs indiscrets pour donner l'illusion que rien n'existait plus au-delà de leur luxuriant feuillage.

Mais il en aurait fallu bien plus pour les décourager. Motivés par leur curiosité, ils ne comptaient pas se laisser berner par quelques branches. Aussi, écartèrent-ils les lianes de saule pour entrevoir ce qu'elles dissimulaient. Dense était le rideau qu'il leurs fallu traverser mais cela leurs semblait toujours mieux qu'un nid d'épines.

Marie fut la première a regarder à travers la dernière épaisseur. Elle resta figée de stupeur. Revenue de sa surprise mais prise d'excitation, elle désira partager sa découverte, sans attendre, avec sa sœur et son cousin.

« Eh ! venez voir ce qu’il y a derrière ! J’y crois pas ! » les interpella-t-elle

José écarta à son tour les fines branches souples et resta médusé à son tour.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? »

« Ca ne se voit pas ? »

« Ha, ha ! Si ça se voit. Mais qu’est-ce qu’elle fout là ? »

« Bonne question. »

Pendant qu'ils discutaient, l'esprit de Lucie était à tout autre chose. Elle observait l'endroit où ils se tenaient, l'inspectait même, cherchant désespérément ne serait-ce que la présence d'un insecte, mais en vain. Tourmentée par ce silence inexpliqué et inquiétant, cette absence de vie autre que celle des arbres et des plantes hostiles à leur présence, elle rejoignit Marie et José près de l'arbre gardien du mystère qu'ils venaient de percer. A son tour, Elle passa la tête entre les rameaux flexibles, poussant un peu sa sœur, un peu son cousin pour se faire une place entre eux.

« Faites voir ! Qu’est-ce qu’il y a là derrière ? »

Tout comme eux, elle fut stupéfaite par l'apparition.

Ce qui se dévoilait sous leurs yeux était plus qu'inattendu. Dans cet endroit tenu secret par quelques forces mystiques de la nature, à l'écart de tout, se dressait une vieille demeure de style colonial.

En cet instant, Lucie était certaine d'au moins une chose : le destin, ou peu importe le nom que l'on pouvait lui donner, les avait conduit jusque là. Quelque soit la force qui les avait mené en ce lieu, ce n'était pas uniquement dû au hasard.

Chapitre I - La forêt
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